Ça y est, les crapauds Calamites sont en vadrouille… entre des mains expertes.
Même si en ce début de printemps 2020, nous les humains tournons au ralenti, la nature, elle, ne s’arrête pas. Et pour les équipes du projet Life in Quarries ce n’est pas le moment de chômer car les oeufs d’une espèce rare attendent leur grand départ.
Embarquement immédiat.
Classé sur la liste rouge des amphibiens de Wallonie, ce petit batracien pustuleux et trapu aux tons brun clair est un Crapaud calamite (Bufo calamita). Il est facilement reconnaissable à la fine ligne jaune qui traverse son dos sur toute sa longueur et à sa pupille jaune/vert – alors qu’elle est d’un bel orange cuivré chez son cousin le crapaud commun.
Pourtant, vous avez peu de chances de le croiser par hasard. Car bien qu’il soit considéré comme une espèce de « préoccupation mineure » au niveau européen, on observe en Wallonie un déclin manifeste de l’espèce dont la taille des populations restantes n’a cessé de se réduire.
Les causes ? Comme souvent ce sont les mêmes. Une aire de répartition toujours plus fragmentée et des habitats naturels qui ont progressivement disparus de nos paysages modernes.
L’agence de voyage Life in Quarries
Après être sorti de sa phase annuelle d’hibernation qui dure d’octobre à début mars (selon le changement climatique), Bufo calamita s’est adonné à partir de la mi-avril aux plaisirs de la procréation avant de pondre des milliers d’oeufs de 1 à 2 millimètres, regroupés autour de fins cordons pouvant mesurer jusqu’à deux mètres de long. Quant aux têtards, ils seront petits et noirs avec une petite tâche claire sous la gorge.
Pour les équipes du projet Life in Quarries c’est le moment d’agir !
Car en plus de veiller à le création et la pérennité de multiples mares temporaires dans les carrières membres du projet, les équipes de Life in Quarries sont, depuis ledébut du mois de mai, entrain de se démener pour collecter des oeufs de Bufo calamita dans plusieurs « mares sources ». Objectif : les transporter dans plusieurs carrières dont l’espèce est absente.
En effet, parmi ses multiples missions, le projet Life in Quarries mène des campagnes de translocation annuelles pour 3 espèces d’amphibiens : le Triton crêté (Triturus cristatus), le Sonneur à ventre jaune (Bombina variegata) et notre Crapaud calamite.
Une démarche ambitieuse qui a nécessité de minutieuses préparations étalées sur plusieurs années. Définir les carrières dont les espèces ciblées sont absentes, étudier dans chaque « site source » les populations présentes, dresser des inventaires pour s’assurer que les prélèvements n’auraient pas d’impacts négatifs sur la population de base, tester ces populations grâce à des analyses génétiques pour vérifier l’absence de plusieurs pathogènes, repérer sur chaque site de translocation les points d’eau les plus appropriés pour chaque espèce ou – en leur absence – les creuser en les organisant en réseaux de mares protégées des engins de chantier par des défenses naturelles…
La campagne 2019 ayant été un succès, d’autres carrières du projet sur lesquelles l’espèce n’a aucune chance de pouvoir parvenir sans un coup de pouce ont été sélectionnées cette année pour venir y déposer les oeufs de Calamites.
Le doux bruit des tractopelles
Car Bufo calamita ne se découvre pas dans les jardins ou les forêts. Non, le Crapaud calamite est un dur, un vrai, qui n’a pas peur des zones en chantier. Au contraire : il en a besoin.
Il s’agit d’une espèce pionnière qui exige en guise d’habitat des milieux neufs, instables, vierges et pauvres en matières organiques. C’est pourquoi on le trouve sur des sites à vocation industrielle comme par exemple, dans les carrières en activité.
Si ces endroits en constants bouleversements peuvent sembler inhospitaliers au premier regard, ils comportent, pourtant un ensemble d’oasis insoupçonnées : des points d’eau ensoleillés, pauvres en végétation et de faible profondeur (la plupart sont tout juste des flaques ou des ornières créées par le passage des véhicules de chantier) qui ont l’avantage de ne contenir – encore – aucun prédateurs.
Des mares temporaires comme celles créées et gérées dans le cadre du projet Life in Quarries.
Des stewards compétents
Depuis quelques jours, donc, des équipes qualifiées et entraînées à cette tâche très particulière sillonnent la Wallonie – en faisant particulièrement attention aux mesures particulières exigées en ce moment.
Dans les différents « sites sources » situés respectivement dans un rayon de 20 kilomètres de leur « site carrière », les membres de Life in Quarries s’agenouillent une rotule dans l’eau, retroussent leurs manches et tentent de récupérer avec toute la douceur requise les précieux fragments de ponte. Car, afin de minimiser l’impact des prélèvements sur les populations sources, un protocole strict prévoit de ponctionner seulement une petite partie ( +/- 10%) d’une ponte pour un maximum d’une cinquantaine de pontes concernées, le tout réparti sur 2 ans.
Et si cette mission n’est déjà pas aisée, les difficultés supplémentaires ne manquent pas !
Berges friables, mare argileuse dont l’eau se trouble au moindre mouvement, maux de dos carabinés suite au maintien de cette posture accroupie et aux longues heures en voiture entre les différentes carrières, « sites sources » inaccessibles car suite à la pandémie actuelle, le chemin pour y parvenir n’a pas été entretenu…
Sans compter que, ces dernières années, nous avons connu un début de printemps particulièrement ensoleillé et chaud. Cette année n’ayant pas fait exception, il a donc fallu attendre un peu que les mares temporaires destinées à accueillir ces « Calamites en devenir » se remplissent grâce aux dernières pluies.
Néanmoins, nous pouvons déjà vous annoncer que plusieurs prélèvements et re-lâchage de fragments de ponte du Crapaud calamite ont déjà été effectués. Avec un succès…. qu’il nous faudra suivre de près.